Représentation théâtrale pour les élèves de 1ère

Voyage dans le temps et l’espace avec Le Porteur d’Histoire  (A. MICHALIK)
 
Le 8 octobre 2016, les  trois classes de 1ère se sont rendues au théâtre Regentes, pour assister à la représentation du Porteur d'histoire d’ A. MICHALIK au programme de L’autre Pays du théâtre. Après la représentation, nous avons eu la chance de pouvoir nous entretenir durant plus d’une heure avec l’auteur, acteur et metteur en scène franco-britannique né en 1982.  Le Porteur d'histoire est sa première pièce. Créée pour n’être joué qu’une seule fois en Avignon en 2011, elle rencontre un tel succès qu’elle se joue encore  aujourd’hui, dans de nombreux pays tels que le Japon, ou le Liban. La pièce se présente comme une énigme.  Elle regroupe plusieurs histoires d’époques différentes, toutes liées à la disparition d’une riche et légendaire famille bourgeoise sous la révolution française. Celui qui résout l’énigme pourrait trouver le trésor caché de cette famille, du nom de « Saxe de Bourville ».  Toute l’histoire est racontée à travers un personnage essentiel : Le porteur d’histoire, dit « L’Homme ».

Le processus de création, ici, fonctionne par strates. L’écriture intègre des éléments nouveaux au fur et à mesure des représentations, grâce aux improvisations. L’inspiration de l‘auteur vient de son voyage dans les Vosges. Lors d’un passage dans un cimetière un jour de pluie, A. MICHALIK remarque une tombe sans inscriptions. Il commence alors à imaginer toute une histoire autour de ce qu’il voit, histoire qui deviendra par la suite sa fameuse pièce. MICHALIK s’est aussi inspiré d’Alexandre Dumas, qui grâce à son style de cape et d’épées s’est illustré dans le roman-feuilleton parvenant à maintenir son lecteur en haleine. C’est cette excitation due au suspens que MICHALIK a voulu reproduire grâce à de nombreuses péripéties qui changent sans cesse la direction de son histoire. A travers le récit, « l’Homme »nous fait voyager dans l’espace et le temps. Pour marquer précisément le temps à travers ses mots, l’auteur a  recours à différents niveaux de langage : ainsi pour exprimer une action ayant lieu dans le temps « actuel », des personnages comme Martin Martin (oui, l’auteur a beaucoup d’humour !) jurent, utilisant le fameux « putain » qui renvoie non seulement  à l’actualité, mais à la famille Martin. Durant notre entretien, A. MICHALIK a partagé avec nous le secret  qui fait le succès d’une pièce : croire en son histoire. Comme un magicien, il arrive en effet à faire accepter l’histoire au public, même si de nombreux éléments sont invraisemblables, le spectateur rentre dans un univers où tout est possible.  

Le Porteur d’Histoire aborde de nombreux sujets : tout d’abord celui de « l’histoire ». MICHALIK est un grand amoureux des histoires qu’il qualifie ainsi : « Ce sont des mots, du vent, de l’air en vibration ». Mais, est abordé aussi, le thème de l’Histoire concrète, écrite, immuable, l’Histoire avec un grand « H ». Dans la pièce, certains passages ont lieu sous la Révolution Française, mais sont aussi évoqués : la guerre d’Algérie, la peste noire, l’invasion des Français en Algérie, l’élection présidentielle de 1988, la septième croisade… mais ce n’est pas tout, MICHALIK écrit l’Histoire à travers des personnages fameux tels que : Alexandre Dumas père et fils, Eugène Delacroix, Jules de Polignac, la reine Marie-Antoinette… L’auteur réécrit l’Histoire, en se basant sur des faits ayant réellement existés, mais comme disait Dumas, « Si j’ai violé l’Histoire, je lui ai fait de beaux enfants ».  A. MICHALIK nous parle aussi des pays ayant le français pour partage, en effet, il nous fait voyager entre la France, le Canada et l’Algérie.  L’auteur aborde également le sujet de la femme : deux des personnages principaux de la pièce sont une mère et sa fille ; les deux femmes algériennes sont au début de l’histoire dans une position de faiblesse, d’autant plus qu’en Algérie les femmes sont minimisées, mais, au cours de la pièce la femme perd son voile et commence à s’affirmer. Plus encore, l’histoire met les femmes en avant puisque l’héritage de la famille des Saxe de Bourville se transmet de femme en femme. L’héritage est d’ailleurs, de même, un thème important de la pièce puisque l’histoire est basée sur la transmission des origines et des biens. De plus, l’auteur parle de littérature, dans sa pièce sont citées de nombreuses œuvres littéraires telles que Lysistrata d’Aristophane et Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas père. Enfin le dernier thème abordé est l’importance du savoir, comme les personnages ne cessent de le répéter  « Le savoir est la source de la vie ». L’auteur pense que, sans le savoir, on ne vit pas, on se contente d’exister.

Au vu de l’histoire, la mise en scène paraît extrêmement complexe. Pourtant A. MICHALIK a réussi à la rendre simple et efficace.  Un élément clé facilite la compréhension de la pièce, il s’agit  du gigantesque tableau noir placé au milieu de la scène. Les acteurs y font figurer, à la craie, les dates importantes, les noms à retenir, les lieux… Ce tableau, qui se remplit peu à peu  d’éléments importants, permet au spectateur de suivre attentivement la résolution de l’énigme. Sur scène, le décor se réduit au tableau, au portant sur lequel pendent les costumes et à quelques chaises. D’autres objets sont cités dans la pièce tels qu’un avion, un bateau, une bibliothèque, une maison, une tombe, mais ils n’apparaissent pas sur scène. Les acteurs font vivre ces objets persuadant le spectateur de son existence, comme lors du décollage de l’avion. Chaque acteur joue plusieurs personnages vivant à des époques différentes, grâce aux costumes, à un langage daté, voire une autre langue, ou des mimiques. Le spectateur n’est en aucun cas gêné, il est plongé dans l’histoire comme s’il voyait un nouveau personnage.  Prenons l’exemple de l’acteur Daniel Njo Lobé. Il endosse  d’abord le costume d’un policier marseillais vivant au XXIème siècle, et parle avec un fort accent, utilise un langage familier, une gestuelle brutale et comique. Mais quelques minutes plus tard, il se retrouve dans le rôle d’Alexandre Dumas, au XIXème siècle. L’acteur emploie alors un langage soutenu, sans accent régional et sa gestuelle est douce et élégante. Le spectateur oublie l’acteur  pour ne plus voir que les personnages. Le gros point fort de cette mise en scène est la musique. MICHALIK, introduit de nombreux morceaux dans sa pièce, cela plonge le spectateur dans l’ambiance de la scène jouée, le rythme musical fait vivre plus intensément personnages, et cette mise en abîme touche le public.

Le Porteur d’histoire  est une pièce de théâtre d’Alexis MICHALIK ayant obtenu plusieurs distinctions dont le « Molière du meilleur auteur francophone vivant » en 2014, et cela se justifie amplement. L’histoire intrigante, remplie de suspens, le mélange d’époque, de lieux, les personnages poignants et attachants, les nombreux thèmes, mais aussi la mise en scène intelligente et envoûtante emporte le spectateur dans un voyage à travers des émotions allant des rires aux larmes. En sortant du théâtre, nous étions tous enthousiastes et heureux à l’idée de savoir que bientôt une BD et un film nous ferait revivre cette intrigue. 

Marie, élève de 1ère S